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Médi-Cal en Californie pourrait subir des coupes, mettant en danger la santé de millions de personnes

Vue d’ensemble : le programme Medi-Cal en Californie sous menace suite à un projet de budget fédéral

Le dispositif Medicaid en Californie, connu sous le nom de Medi-Cal, couvre près de 40 % de la population de l’État, soit environ 15 millions d’habitants en juillet 2024. Ce programme est essentiel pour garantir un accès abordable à la santé pour les populations les plus fragiles et mal desservies. Cependant, une récente proposition de budget au niveau fédéral met en péril la continuité de cet accompagnement médical et le bien-être de millions de Californiens. Le budget approuvé par le Parti républicain à la Chambre des représentants prévoit en effet de réduire d’au moins 880 milliards de dollars les dépenses liées au programme Medicaid américain d’ici 2034. Un tel déploiement de coupes pourrait représenter l’une des plus importantes révisions jamais entreprises dans l’histoire de la politique de santé aux États-Unis, avec des impacts potentiellement dévastateurs notamment pour les populations vulnérables telles que les personnes âgées, les enfants, les individus en situation de handicap ou encore celles qui ont accouché récemment.

Les enjeux et implications des coupes budgétaires potentielles sur le système Medi-Cal

Le récent vote autorisant une résolution budgétaire proposée par la Chambre des représentants indique la volonté de réduire drastiquement les dépenses fédérales dans le secteur de la santé, notamment en ciblant le programme Medicaid. Selon des spécialistes, la majeure partie de ces coupes est censée provenir du financement fédéral alloué à Medicaid. Stan Dorn, directeur du Health Policy Project pour UnidosUS — la plus grande organisation de défense et de droits civiques de la communauté hispanique aux États-Unis — a souligné, lors d’un point presse organisé par American Community Media, que « ces coupes dans Medicaid seraient plus importantes que toutes celles qui ont été faites auparavant dans l’histoire du pays ».

Une des stratégies envisagées par les responsables républicains consiste à supprimer la couverture pour certains bénéficiaires ne remplissant pas des critères précis liés à l’emploi, comme une condition d’activité professionnelle ou d’exemptions. Une analyse menée par le Center on Budget and Policy Priorities estime que plus de 8 millions d’adultes californiens — soit environ 56 % de tous les adultes inscrits — pourraient perdre leur couverture si ces nouvelles exigences étaient appliquées, en raison de la nécessité de prouver leur emploi ou d’obtenir des exemptions. Bien que les États disposent d’une certaine latitude pour définir les critères d’éligibilité à leurs programmes Medicaid, dans le cadre des standards fédéraux et en échange de fonds fédéraux de contrepartie, la conception de ces programmes varie selon chaque État. La Californie, par exemple, a adopté l’année dernière une loi autorisant les adultes âgés de 26 à 49 ans à bénéficier des services complets de Medi-Cal, peu importe leur statut migratoire. La Californie est ainsi le premier État à instaurer une telle mesure, mais face aux discussions en cours sur une réduction du programme, nombreux s’interrogent sur la pérennité de cette avancée.

Les coupures potentielles de Medi-Cal et leurs effets sur les femmes enceintes et les nouvelles mamans

Les populations les plus vulnérables, telles que les personnes âgées, les jeunes enfants, les individus en situation de handicap ou celles ayant récemment accouché, risquent d’être les plus fortement impactées par ces coupes à venir. Selon une étude réalisée par le National Health Law Program (NHeLP), une organisation spécialisée dans le droit de la santé, Medi-Cal finance actuellement 40 % de toutes les naissances en Californie. De plus, ces dernières années, le programme a permis d’élargir ses prestations à des services spécifiquement destinés aux femmes enceintes et aux nouvelles mères, comme le recours à une doula ou l’extension des soins postpartum.

Dans un rapport rédigé par Amy Chen, avocate principale au sein de NHeLP en Californie, il est indiqué que le financement de Medi-Cal pourrait être gravement compromis si des dispositifs tels que des subventions globales (block grants) ou des plafonds de dépenses par habitant (per capita caps) étaient mis en place. Une subvention globale consiste en un montant fixe que le gouvernement fédéral verse aux États, tandis qu’un plafond par habitant limite la somme allouée par bénéficiaire. Ces options auraient pour effet de réduire considérablement le financement fédéral pour la Californie, obligeant le gouvernement de l’État à supporter une plus grande part des coûts. Amy Chen explique : « La mise en place de ces mécanismes ferait diminuer la quantité de fonds fédéraux disponibles, et cette réduction s’aggraverait avec le temps, car sous ces plafonds, le montant par personne augmenterait moins vite que les coûts réels de la santé pour les femmes enceintes et leurs enfants. »

Les personnes âgées face à de lourds défis de santé en cas de coupes dans Medi-Cal

La Californie dispose d’une population vieillissante remarquable, représentant 16,2 % de la population en 2023. Selon les projections, d’ici 2040, environ 10 millions d’habitants, soit un quart de la population californienne, seront âgés. La majorité de ces personnes, notamment celles en situation de handicap ou en perte d’autonomie, dépendent entièrement ou partiellement de Medi-Cal pour leurs soins. La majorité d’entre elles vivent avec des revenus fixes ou limités, leur permettant difficilement de faire face aux frais médicaux. En termes de coût, une étude de 2024 de CareScout — filiale de Genworth Financial, entreprise spécialisée dans l’assurance vie — révèle que le prix médian pour un aide-soignant à domicile en Californie s’élève à 7 436 dollars par mois, tandis que le coût pour une chambre semi-privée dans une résidence pour personnes âgées atteint en moyenne 11 695 dollars par mois.

Face à ces coûts exorbitants, la majorité des personnes âgées ne peuvent compter que sur l’aide de Medi-Cal pour couvrir leurs dépenses. La grande part du financement fédéral dédié aux soins de santé et aux services sociaux dans l’État s’élève à 112,1 milliards de dollars pour Medi-Cal, selon une analyse du California Budget & Policy Center. Selon cette dernière, réduire ce fonds fédéral obligerait probablement l’État à augmenter ses recettes propres pour compenser, ce qui représente une difficulté considérable alors que la population âgée continue de croître. Joan Alker, directrice exécutive du Center for Children and Families de l’Université de Georgetown, souligne : « Il est erroné d’affirmer que les États pourront compenser ces coupes massives. Ces décisions laisseraient principalement face à un dilemme difficile : comment répartir des ressources limitées entre plusieurs populations très vulnérables ? »

Avec l’adoption de la résolution de réduction budgétaire, le Parti républicain à la Chambre doit maintenant déterminer ce qui devra être sacrifié pour respecter ces coupes. De leur côté, les sénateurs doivent parvenir à un consensus, notamment avec des élus favorables à la pérennisation des réductions d’impôts initiées par le président Donald Trump en 2017. Enfin, la dernière étape consiste en un vote conjoint du Congrès sur un programme final de budget.

Selon Anthony Wright, directeur de Families USA, « les coupes proposées risquent de déchirer complètement notre filet de sécurité. Ce n’est pas seulement une mesure qui dégraderait l’accès des familles à des soins essentiels, c’est aussi une décision qui transfère les coûts déjà très élevés des soins sur ceux qui en ont le plus besoin, et qui luttent déjà pour faire face aux dépenses du quotidien. » Il ajoute : « Ces coupes ne sont pas une nécessité. C’est un choix délibéré. Pour financer d’importants allégements fiscaux pour les grandes entreprises, on sacrifie le financement central qui garantit la santé des populations les plus vulnérables, et cela concerne tous ceux qui dépendent de ce système. »

Aminata Joly

Aminata Joly

Journaliste française, née au Congo, je m’intéresse aux dynamiques sociales, culturelles et politiques qui traversent les communautés noires, en France et ailleurs. À travers mes articles, je cherche à questionner les récits dominants et à mettre en lumière des voix souvent marginalisées. Mon travail s’inscrit dans une démarche engagée, documentée et résolument antiraciste.