Culture

WrestleMania se rendra en Arabie Saoudite, mais à quel prix ?

Nous traversons un tourbillon social et économique sans précédent dans ce pays. Comme on l’a constaté, l’argent parle, et personne n’en saisit mieux l’importance que la WWE. Lors de Fight Week à Las Vegas la semaine dernière, il a été annoncé que WrestleMania se rendrait en Arabie Saoudite en 2027. Cette annonce a suscité des réactions mitigées, mais majoritairement négatives, chez les fans américains. Cependant, après avoir reçu une somme rapportée d’environ 250 millions de dollars pour l’événement emblématique de la WWE, qui s’en soucie vraiment ?

Le chemin des plaisirs commence

Depuis le départ de l’ancien président Vince McMahon il y a quelques années, la WWE a adopté une approche nettement plus agressive pour dénicher des opportunités qui génèrent des revenus. Cela s’est encore plus clairement imposé après l’acquisition de TKO il y a près de deux ans. Dans le monde des affaires, on sait que le seul objectif est de réaliser des profits. Lorsqu’on est une entité cotée en bourse, ce principe est encore plus exacerbé, car il faut aussi faire monter les gains pour les actionnaires. Des règles existent d’ailleurs qui obligent les organes de gouvernance de ces entreprises à tirer parti des opportunités susceptibles d’aider à atteindre ce but.

Cela ne signifie pas que la WWE se trouvait dans une situation morale délicate. Je pense qu’ils apprécient ce deal et qu’il leur profite d’une manière que d’autres accords n’ont pas apportée. Malheureusement, c’est là que s’arrête la majorité de cette bonne volonté. Pour les fans en Arabie Saoudite, c’est sans doute une victoire. Mais pour la majorité des fans de lutte professionnelle ici même, c’est différent. Ce n’est pas tant que WrestleMania va quitter l’Amérique du Nord pour la première fois. Notre inquiétude tient au contexte des violations des droits humains qui existent dans ce royaume. L’activité commerciale de la WWE là-bas est perçue comme complice de ces pratiques répréhensibles.

Quand en…Arabie Saoudite

Par exemple, la manière dont les femmes de la WWE vont se produire lors de WrestleMania devra être ajustée pour respecter les codes culturels de ce côté du monde. En 2018, lorsque la WWE a conclu cet accord avec l’Arabie Saoudite, deux spectacles annuels étaient prévus sur place. Le partenariat s’est manifestement amplifié. Mais au départ, les femmes lutteurs ne pouvaient pas se produire là-bas. Une fois l’autorisation obtenue, on leur a toutefois permis d’apparaître en t-shirts gigantesques. Toutefois, les personnalités de leurs personnages semblaient alors nettement plus atténuées. Toutes les femmes devaient simplement afficher leur joie de faire partie du spectacle, et c’est tout.

Aujourd’hui, les talents féminins peuvent endosser les personnalités qu’ils interprètent dans les intrigues actuelles de la WWE, ce qui est un avantage. Mais il demeure impossible de prédire jusqu’où d’autres aspects de leur performance pourraient être bridés avec WrestleMania qui s’ouvre en Arabie Saoudite en 2027. Sans oublier l’éventail des autres violations des droits humains qui restent passées sous silence au titre du « sportwashing ».

Oh, rien à voir ici !

Le terme sportswashing a été inventé pour décrire la manière dont l’Arabie Saoudite est présentée aux touristes. Le royaume veut devenir une destination à visiter. À travers des initiatives comme Riyadh Season, le royaume organise de grandes manifestations sportives et des spectacles afin de moderniser cet aspect du monde à nos yeux. Cette approche peut peser lourd sur l’image de leur gouvernement, qui est perçue comme l’endroit où les droits des personnes LGBTQ+ ne sont pas reconnus comme ceux d’autrui.

Alors que nos libertés sont attaquées chaque jour ici, elles le sont d’autant plus en Arabie Saoudite. Il est même illégal d’appliquer publiquement une religion autre que l’islam sunnite. La liste des restrictions est longue, franchement. Et je comprends pourquoi la WWE a accepté ce partenariat. Mais à l’approche de l’événement, il est probable que cela devienne un cauchemar médiatique pour eux. On ne peut pas échapper à la pression médiatique indéfiniment. J’aimerais qu’un journaliste mette au défi les représentants de l’entreprise et cherche à comprendre publiquement comment tout cela peut être justifié.

Il reste à voir à quel point WrestleMania 43 pourra connaître du succès, évidemment. Mais il serait prudent pour la WWE de réfléchir davantage à ces partenariats et à la manière dont leurs fans les interpréteront. Peu importe le montant des revenus générés, c’est le soutien du public qui rend ce succès possible. Si l’opinion publique exige davantage de décence dans leurs pratiques, alors ils seront en difficulté. Leur arrogance pourrait les trahir. WrestleMania 43 sera déterminante à cet égard. Ce sera un « Road To WrestleMania » dont nous nous souviendrons pour longtemps.


Aminata Joly

Aminata Joly

Journaliste française, née au Congo, je m’intéresse aux dynamiques sociales, culturelles et politiques qui traversent les communautés noires, en France et ailleurs. À travers mes articles, je cherche à questionner les récits dominants et à mettre en lumière des voix souvent marginalisées. Mon travail s’inscrit dans une démarche engagée, documentée et résolument antiraciste.